Le Sénégal post-COVID : une économie résiliente qui doit renouveler son appareil productif


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Les chiffres de la croissance sénégalaise depuis 2019 illustrent, au niveau macroéconomique, une forte résilience de l’économie sénégalaise depuis le début de la pandémie du COVID-19. Alors que le monde subissait en 2020 l’une des récessions les plus sévères depuis la Seconde Guerre mondiale, l’activité au Sénégal a enregistré en moyenne une croissance positive (+1,3% selon l’ANSD) même si ce chiffre est en fort ralentissement par rapport aux années antérieures.

L’analyse détaillée des données macroéconomiques et sectorielles donne un éclairage intéressant sur les performances économiques et les tendances à moyen terme. Sur l’année 2020, le PIB du secteur primaire (essentiellement les activités agricoles, d’élevage, de pêche, de sylviculture) a augmenté de 12,8% alors que les secteurs secondaire et tertiaire étaient en retrait (-0,4% et -0,1% respectivement). Les conditions de production agricole ont été exceptionnellement favorables (très bonne pluviométrie, augmentation des surfaces cultivées et des rendements).

La réactivité des autorités publiques, notamment avec le déploiement du Plan de Résilience Économique et Sociale (PRES) a, également, fortement aidé à atténuer les impacts négatifs de la crise, notamment pour des secteurs comme le tourisme et les transports aériens, qui représentent une part significative de notre économie et ont connu l’une des plus graves crises, au niveau mondial, depuis des décennies.

Mais ces seuls facteurs n’expliquent pas les bonnes performances globales. Une analyse plus détaillée au niveau sectoriel donne un éclairage intéressant sur les facteurs de résilience de l’économie. Le graphique ci-après illustre pour chaque secteur l’effet immédiat de la pandémie (croissance de sa valeur ajoutée sur l’année 2020) et l’effet de rattrapage sur deux ans (croissance globale du niveau avant COVID-19 au niveau fin 2021) ; il permet d’apprécier pour chaque secteur sa sensibilité à la crise ainsi que la rapidité et l’ampleur de sa reprise.

Resilience Eco 221

Le constat est dans l’ensemble très positif sur la capacité de résilience des secteurs économiques au Sénégal. Pour une majorité de secteurs, l’impact de la COVID-19 a été modéré et n’a pas entraîné une contraction de l’activité ; parmi ceux qui en ont connu en 2020, une part importante a retrouvé et dépassé le niveau d’activité enregistré en 2019. Au total, 26 secteurs sur 48, représentant 77% du PIB, n’ont pas connu de contraction en 2019 ; seuls 13 secteurs, représentant 9% du PIB, n’ont pas retrouvé en 2021 leur niveau d’activité en 2019. Plus précisément, quatre groupes sectoriels peuvent être identifiés :

  1. Les secteurs qui ont maintenu une croissance forte ou ont été stimulés par un environnement favorable lié à la pandémie ou à des facteurs exogènes exceptionnels (les activités agricoles, la fabrication de savons et produits d’entretien, l’électricité et les produits plastiques qui ont bénéficié de la baisse du prix du pétrole au début de la pandémie, la construction qui a maintenu une dynamique d’investissement forte ainsi que les industries extractives) ;
  2. Les activités qui ont connu un ralentissement sans entrer en récession : il s’agit des principaux secteurs économiques par leur contribution au PIB global (commerce, services immobiliers, santé, services financiers et d’assurance, exploitation forestière, élevage, pêche) ;
  3. Les secteurs plus fortement affectés par la crise sanitaire, mais ont retrouvé et dépassé leurs niveaux d’activité pré-COVID-19 après une phase de contraction (Les TIC, le transport, les services aux entreprises, l’abattage, la transformation et la conservation de viandes, les boissons et les produits métallurgiques) ;
  4. Les secteurs qui ont subi une contraction et ont tardé à retrouver leur niveau d’activité d’avant la pandémie (enseignement, hébergement et restauration, huileries, transformation et conservation de poissons, fabrication de produits laitiers, produits pharmaceutiques, chimie, raffinage, transformation du bois).

Les différentes tendances sectorielles soulignent une résilience globale soutenue par plusieurs facteurs dont (i) les mesures de soutien public d’une grande ampleur (ii) la pluviométrie pour le secteur agricole (iii) l’impact positif sur le coût de l’énergie dans la première phase de la crise sanitaire (iv) la demande accrue dans les produits d’hygiène, (v) la dynamique soutenue d’investissement dans les infrastructures, la construction ainsi (vi) qu’une bonne orientation de plusieurs secteurs supports (commerce, immobilier, services financiers).

Pour les secteurs les moins résilients, il ne s’agit pas seulement des impacts de la COVID-19, mais, pour certains, d’une tendance plus durable avec une croissance négative de la valeur ajoutée sur la période 2016-2019 antérieure à la crise (secteurs marqués en rouge sur le graphique). Cette dernière catégorie comporte plusieurs anciens fleurons de l’industrie et des services au Sénégal (tourisme, pharmacie, industries chimiques, raffinage, huileries…), qui, par ailleurs, avaient déjà souffert des effets désastreux des divers plans d’ajustement structurels imposés à l’économie sénégalaise.

Malgré les bonnes performances à court terme, il est important de s’appesantir sur les véritables ressorts de l’économie, les besoins d’une restructuration profonde de notre industrie et les moteurs d’une croissance durable. Les principaux facteurs exogènes ont contribué positivement au soutien de l’activité (facteurs climatiques et prix de l’énergie), mais le Sénégal ne peut se satisfaire d’une telle situation, qui traduit une grande dépendance aux productions et aux prix des matières premières, une faible organisation des filières et un faible niveau de transformation industrielle. Le modèle économique reste à renforcer en évoluant vers une agriculture moins vulnérable aux variations climatiques, en favorisant les retombées locales des industries extractives et en opérant une véritable relance des secteurs industriels à plus forte productivité et impact sur l’emploi.