En ce mercredi 18 septembre, qui marque la 5ème Journée internationale de l’égalité salariale, les données montrent un écart persistant de 20 % en moyenne entre la rémunération des hommes et des femmes à poste équivalent, à travers le monde. Les freins culturels, les responsabilités liées à la maternité, ainsi que la réticence à solliciter une revalorisation salariale demeurent des obstacles majeurs pour les femmes. Ce sujet, incontournable pour les dirigeants engagés, appelle une réflexion approfondie sur les pratiques salariales et leur transformation.
Adopté le 15 novembre 2019, à l’occasion de la 74ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, la journée internationale de l’égalité salariale vise à stimuler l’adoption de nouvelles mesures en vue d’atteindre l’objectif de développement durable ODD 8-5 : un salaire égal pour un travail de valeur égale. Cette journée met en avant les efforts déployés pour garantir le même salaire aux femmes et aux hommes occupant les emplois identiques. En suivant les principes des droits humains, elle veut mettre un terme aux discriminations au travail, particulièrement envers les femmes et les minorités.
La convention n°100 de 1951 sur l’égalité de rémunération a été le premier instrument international sur cette question. Bien que la plupart des États l’ait ratifiée, son application demeure partielle.
Aujourd’hui encore, malgré les progrès réalisés à l’échelle mondiale, l’écart de salaire entre les hommes et les femmes persiste, les femmes des pays à faible revenu comme le Sénégal étant particulièrement touchées. L’Organisation internationale du Travail (OIT) estime qu’en moyenne, les femmes gagnent environ 20 % de moins que les hommes dans le monde (OIT, 2018), ce qui signifie que pour chaque 10.000 francs CFA gagnés par un sénégalais, les femmes ne percevraient que 8 000 francs CFA. Ce constat alarmant est encore plus inquiétant lorsque la loupe est spécifiquement mise sur le marché du travail au Sénégal. Les écarts relevés lors des dernières éditions sectorielles de l’étude de rémunération SAARA révèlent des différences allant jusqu’à près de 40% suivant le secteur considéré.
Les effets cumulés des disparités salariales ont des conséquences négatives réelles au quotidien pour les femmes, leurs familles et les sociétés. Si des mesures sont prises pour combler ces écarts au niveau des entreprises et des États dans les pays développés, en Afrique la question est traitée différemment.
Les femmes travaillent majoritairement dans l’économie informelle dans les pays africains. Au Sénégal, seules 26% des femmes sont représentées dans le secteur formel (ANSD, 2024). Ce qui révèle la difficulté de l’insertion professionnelle des femmes, dû à divers facteurs propres à l’environnement socioculturel en particulier.
Plusieurs mesures ont été mises par le Bureau International du Travail (BIT) au niveau de l’Afrique francophone, afin de réduire les inégalités salariales dans le monde du travail. Cela va de la création de coopératives encourageant l’autonomisation des femmes, à l’amélioration des conditions de travail et des revenus des femmes du secteur informel. « En améliorant les revenus des femmes, on arrive à réduire le gap. Parce qu’on essaye de travailler non pas sur l’inégalité, mais sur les causes et les fondements de cette inégalité », souligne Fatime Christiane NDIAYE, spécialiste genre, égalité, diversité et inclusion pour le BIT au Sénégal lors de l’entretien qu’elle nous a accordé.
Quels sont les obstacles à l’égalité de rémunération ?
S’agissant des obstacles à l’égalité de rémunération, Mariam DIAO, Secrétaire Générale Adjointe de l’Association Sénégalaise des Professionnels des Ressources Humaines (ASPRH) souligne que « Le principal défi réside dans les interruptions de carrière des femmes, notamment à cause des congés de maternité, qui les empêchent de profiter des mêmes opportunités d’avancement que les hommes. De plus, le manque de politiques spécifiques en entreprise pour rattraper ces interruptions crée des écarts de rémunération sur le long terme. La culture d’entreprise peut aussi constituer un frein car elle valorise la disponibilité immédiate et continue, ce qui met souvent les femmes en retrait. »
En effet, l’écart de rémunération se creuse souvent et plus rapidement lorsque les femmes ont des enfants, comme une sanction à la maternité. Cela est accentué par ailleurs par le fait que les femmes consacrent une part disproportionnée de leur temps aux tâches familiales et domestiques non rémunérées. Si de nombreux pays ont amélioré leurs systèmes de soutien aux familles ces dernières années, avec par exemple des périodes de congé réservées aux pères et des facilités pour l’accès aux crèches, les mères restent souvent absentes du marché du travail beaucoup plus longtemps que leurs collègues masculins après la naissance d’un enfant. Même lorsqu’elles sont prêtes à retourner sur le marché du travail, la charge inégale des responsabilités professionnelles et familiales entrainent des risques de n’être ni promues ni augmentées, voire d’être totalement exclues du marché du travail.
En janvier 2024, le Conseil National du Patronat du Sénégal (CNPS) soulignait que « particulièrement dans le secteur privé, il est observé une présence plus marquée des femmes dans certaines familles d’emploi, comme la gestion des ressources humaines, le marketing & commercial, la comptabilité et les finances. En revanche, un pourcentage trop limité d’entre elles accède aux rôles de Direction Générale et de Conseil d’Administration. Même dans les pays les plus avancés, les femmes hautement qualifiées et expérimentées rencontrent encore des obstacles d’accès aux instances de décision en dépit des bonnes intentions exprimées par les entreprises. »
Ainsi, les femmes continuent de se heurter au plafond de verre dans les entreprises. L’expression est couramment utilisée pour décrire les difficultés rencontrées par les femmes et les minorités lorsqu’elles tentent d’accéder à des postes plus élevés dans une hiérarchie d’entreprise dominée par les hommes. L’indice sur la « Proportion de femmes occupant au Sénégal des postes de direction » montre que parmi l’ensemble des personnes occupant des postes de direction dans les secteurs publics et privés (directeurs, cadres de direction et gérants), seulement 23,2 % étaient des femmes en 2015, 24,9% en 2016 et 15,2% en 2019.
Les obstacles à l’égalité de salaires entre les sexes sont le plus souvent non écrits, ce qui signifie que les femmes sont plus susceptibles d’être limitées dans leur progression par des normes acceptées et des préjugés implicites plutôt que par des politiques d’entreprise définies.
Des mesures correctrices existent toutefois pour favoriser des politiques de rémunération plus équitables (cf. Note Égalité de Rémunération – Quelques Chiffres clés Sénégal en téléchargement libre). Leur mise en œuvre permettrait, à défaut d’éliminer les inégalités de rémunération, d’en réduire progressivement l’ampleur, en misant sur un sursaut conscient des entreprises pour atteindre l’égalité de rémunération avant 2120, tel que prévu pour les pays d’Afrique Subsaharienne dans le rapport 2022 du Forum Économique Mondial sur les écarts entre les hommes et les femmes.