Qu’ils soient à Dakar, à Singapour, à Londres ou à Seattle, tous les gestionnaires des RH se retrouvent aujourd’hui pris dans la vague de l’intelligence artificielle générative – ou GenAI. La question n’est plus « sont-ils concernés ? », mais plutôt « à quelle vitesse vont-ils intégrer les solutions de GenAI » et « de quelles ressources vont-ils se doter pour être les catalyseurs de son adoption ? ». L’émergence de nouvelles technologies a souvent permis aux pays africains de faire des bonds notables dans de transformation des usages au quotidien. L’IA pourra-t-elle faire vivre aux économies africaines le même rythme et la même ampleur de transformation que les téléphones portables et le mobile money ?
L’évolution du rôle des professionnels RH épouse les contours de la transformation rapide du monde des affaires. Les problématiques liées à la cybersécurité, à la productivité des équipes, à la croissance des entreprises et au développement durable bouleversent, par ailleurs, les priorités des dirigeants d’entreprise. À l’ère de la transformation numérique, il appartient donc aux professionnels RH d’exploiter la puissance de la GenAI pour relever efficacement les principaux défis en matière de ressources humaines, tout en favorisant la réussite de l’organisation.
L’un des principaux défis auxquels les DRH font face consiste, d’une part, à rationaliser les processus RH et, de l’autre, à prendre en temps opportun des décisions fondées sur des données. Les systèmes traditionnels de gestion des ressources humaines ont souvent du mal à répondre aux exigences des entreprises modernes ; c’est là que la GenAI peut jouer un rôle crucial pour analyser de grandes quantités de données RH en temps réel, s’adapter aux contextes uniques de chaque utilisateur et fournir des informations exploitables aux acteurs des ressources humaines.
Néanmoins, tous les process RH ne sont pas également affectés par l’intégration de l’IA. Le gain en efficacité opérationnelle est bien plus important dans la gestion administrative que pour ce qui est de la définition de la stratégie RH, par exemple. Plus la réflexion, le sens critique et l’arbitrage sont nécessaires, moins l’IA aura un impact fort sur l’activité.
Les processus transactionnels et à forte capacité d’automatisation sont les plus enclins à inclure une collaboration Homme-IA. Cette dernière sera limitée lorsqu’il s’agira de personnaliser les contextes ; cela présage, de fait, d’un recul dans le volume de rôles purement administratifs au sein de nos directions RH, au profit de rôles plus critiques dans l’accélération de la transformation et le soutien aux activités cœur de métier de l’entreprise
Qu’il s’agisse des fiches de poste, des annonces de recrutement, de la sélection de candidats, de la gestion de leur intégration, des choix de formation totalement personnalisés, de la gestion de la paie ou de la mise en place d’un trousseau RH, les niches de gains sont appréciables et le rythme d’apprentissage permet d’optimiser sensiblement le temps de réalisation de certaines activités.
De manière spécifique, certains outils basés sur l’IA bouleversent déjà la manière de conduire les RH. En fonction du niveau de maturité de l’entreprise et de la fonction RH, leur maitrise fera la différence entre une approche traditionnelle et une gestion des ressources humaines augmentée.
Typiquement, les plateformes de recrutement ont été l’une des premières incursions de l’IA dans la gestion des ressources humaines. Ces plateformes accélèrent la correspondance entre les candidats aux postes vacants en fonction de leurs compétences, de leur expérience et de leur adéquation culturelle, permettent de créer des résumés des entretiens, optimisent l’expérience candidat en mettant à disposition des chatbots.
Adossés à l’IA, les assistants RH virtuels permettent d’automatiser les tâches de routine telles que la planification des entretiens, la réponse aux questions des collaborateurs et l’intégration des nouveaux employés, libérant ainsi du temps aux professionnels RH afin qu’ils se concentrent sur des initiatives plus stratégiques comme la gestion de la performance.
Exploiter efficacement la puissance de la GenAI et révolutionner la gestion des RH requiert, de la part des dirigeants d’entreprise et des décideurs RH unemise à niveau de leurs propres compétences, afin d’être en mesure de conduire ces discussions avec les autres membres des COMEX et d’adopter les outils les plus adaptés à leurs problématiques opérationnelles et stratégiques. Une simple veille informationnelle sur les outils existants permet déjà de disposer d’une connaissance au moins liminaire.
Entre engouement et crainte, l’utilisation de l’IA, de manière générale, induit, par ailleurs, une problématique majeure de gestion de la sécurité des données, de confidentialité et de nécessaire transparence pour l’organisation, envers les salariés et les partenaires d’affaires. L’organisation doit communiquer de manière transparente en cas d’utilisation de l’IA, en particulier dans les relations B2B. Cela est d’autant plus réel dans un contexte socio-économique où les données des employés, en particulier les informations concernant les salaires, sont frappées d’une quasi-omerta.
Utiliser l’IA en y intégrant les données personnelles des salariés représente un risque majeur et expose l’entreprise. La création d’une stratégie d’utilisation éthique de l’IA, en lien avec les contraintes réglementaires, et la définition des interactions avec l’Humain est indispensable pour identifier les priorités en matière de productivité et de sécurité, soit à court-terme soit de manière plus prospective.
Comment conduire le changement dans les RH face à l’Intelligence Artificielle ?
Il est indispensable que le binôme Dirigeant-Décideur RH s’accorde sur le changement souhaité, sa vitesse, son ampleur et les gains visés. Le meilleur moyen pour cela est de prêcher par l’exemple, en faisant de la Direction des Ressources Humaines l’entité pilote pour l’adoption de solutions IA. Cela signifie, et en termes RH et à l’échelle de l’entreprise, retravailler la matrice de compétences à l’aune des évolutions souhaitées et réaligner les process, les rôles, la structure organisationnelle, les aires de mobilité professionnelles en conséquence.
Un référentiel métier et compétences et une cartographie détaillée des processus sont donc indispensable pour calibrer les talents nécessaires en qualité et en volume, et définir les chaînons sur lesquels l’IA va intervenir seul ou en binôme avec un salarié.
Le développement de l’IA est source d’appréhensions pour les collaborateurs. Leur implication dans la mise en œuvre de cette technologie en est une étape clé. les collaborateurs pouvant voir en elle une menace pour leur emploi. La création d’une culture qui valorise le rôle et l’importance de la technologie est primordiale. Un accompagnement pédagogique fort est nécessaire afin que les collaborateurs prennent la mesure des synergies possibles entre les capacités de l’homme et celles de la machine, dans une démarche globale d’optimisation et d’amélioration. Les outils basés sur l’IA doivent jouer un rôle de copilote, laissant les décisions critiques à l’œil d’expert des équipes.
Dans le même temps, il est nécessaire de mettre le personnel à niveau, par des formations, notamment, afin d’anticiper sur les compétences exigées par l’introduction de l’IA dans les organisations. Comme toutes les révolutions, elle impliquera la disparition de certains postes. Elle favorisera aussi, et surtout, l’évolution, voire l’apparition de nouveaux emplois voire de nouveaux métiers.
Si les décideurs RH sont les moteurs de cette transformation par l’IA, une implication et un engagement marqué des dirigeants restent indispensables pour un portage au plus haut niveau et une dynamique positive à l’échelle de nos entreprises. Un monitoring des gains réalisés par rapport à la vision initiale permettra de réaligner au besoin les mesures d’intégration de l’IA aux activités et de réadapter ces dernières de manière itérative.