Formalisation de l’artisanat sénégalais : un impératif majeur


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Le secteur de l’artisanat, organisé classiquement en trois sous-secteurs (artisanat de production, artisanat de service et artisanat d’art), regroupe une centaine de métiers, représente 41% des entreprises sénégalaises et réunit 38 % de la population active.

Alors qu’il constitue la base industrielle du pays et devrait ainsi être une des forces motrices du développement national, il ne représente aujourd’hui que 10% du PIB.

La très faible capacité de transformation des matières premières en matières intermédiaires et produits finis, induisant une fuite des ressources, l’importation et la pénétration massives de produits et matières de substitution bas et moyen de gamme, un cadre institutionnel imprécis, un cadre juridique et fiscal contraignant, le difficile accès au financement et aux marchés, le défaut de structuration des filières, le manque de formation et l’absence d’une vision moderne d’un artisanat d’impact social, économique et culturel, sont autant de freins à l’avènement d’un secteur artisanal prospère, créateur d’emplois stables et à l’image d’un pays sur la voie de l’émergence.

Importations artisanat

Insuffisamment soutenu et encadré, mésestimé par les populations et boudé par une jeunesse pourtant durement frappée par le chômage, le secteur artisanal possède pourtant un fort potentiel de (re)valorisation du patrimoine, des savoir-faire et des ressources, et peut devenir un important ressort socio-économique en participant activement au développement des industries créatives du pays. Si les secteurs de la mode, des accessoires et de la décoration, stimulés par une certaine créativité locale et une digitalisation croissante favorable aux affaires, peuvent prétendre occuper une place de choix sur des marchés nationaux et internationaux extrêmement rentables, ceux du bien-être, de l’agro-alimentaire, des services mais aussi des arts visuels et des arts vivants recouvrent un nombre considérable de métiers dont la professionnalisation offrira un mieux-vivre aux populations locales et un rayonnement international au pays.

De la nécessité de revaloriser l’image des métiers de l’artisanat

Le développement de l’artisanat au Sénégal est freiné par une vision peu méliorative du secteur et la persistance d’idées reçues. L’artisanat sénégalais fait l’objet d’une déconsidération manifeste et s’est vu destiné à des groupes sociaux, acteurs majeurs de la production et de la transformation de la matière, cependant relégués dans des strates inférieures de la société. Dans la perception populaire, les métiers de menuisier, de maçon ou de mécanicien renvoient à un échec d’insertion professionnelle ou à une solution par défaut suite au décrochage scolaire. Par ailleurs, l’apprentissage de certains métiers tels que la cuisine ou la cosmétique serait dévolu au genre féminin ; autant de raisons qui ne font pas des métiers artisanaux une option valable d’orientation professionnelle chez les jeunes ; pour exemple, alors que le Centre de Formation Artisanale Maurice DELAFOSSE était autrefois un fleuron de l’apprentissage aux métiers de la céramique, il ne compte en 2021 que 2 inscrits dans cette spécialité.

Priorités pour la relance du secteur de l’artisanat

  • Redonner à l’artisanat ses lettres de noblesse.

L’artisanat a été par le passé un moteur de l’économie sénégalaise. L’ouverture des marchés vers la fin des années 90 et le début des années 2000 a entrainé la saturation des marchés locaux par les produits industriels importés. Parallèlement, la perception du statut de l’artisan par les populations s’est dégradée, rendant les métiers artisanaux marginaux et peu valorisants. Il est donc fondamental de replacer l’artisanat dans le cœur de gens et au cœur de l’économie sénégalaise.

  • Positionner l’artisanat sénégalais sur le marché mondial de la mode et de la décoration.

Le monde s’intéresse de plus en plus aux esthétiques et contenus africains porteurs de sens, et le Sénégal, pays de savoir-faire et hautement représenté, depuis l’ère SENGHOR, par des ambassadeurs culturels de renom, a largement les atouts pour se positionner sur ce nouvel échiquier de la mode. Il est aujourd’hui urgent d’entamer un processus franc de valorisation du secteur en développant un marketing performant afin de devenir durablement attractif et générateur de richesses.

  • Développer des filières intégrées compétitives.

Le Sénégal a besoin de développer des écosystèmes forts et dynamiques dans les différentes filières des industries créatives.

La négligence des matières premières locales et l’incapacité de parvenir au bout de la chaine de valeur de produits qualitatifs expliquent en grande partie le faible niveau de demande locale et la difficulté de pénétrer les marchés internationaux.

Des filières intégrant la transformation permettront d’améliorer les techniques de fabrication sur les propres matières intermédiaires locales, de proposer des produits finis à forte valeur ajoutée et d’assurer le développement d’industries locales compétitives. Le défi est donc d’enclencher un processus d’industrialisation pour l’ensemble des filières créatives.